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De chaussures et de semelles

2018-05-11parLisaCarducci

中国与非洲(法文版) 2018年5期

par Lisa Carducci

le magasin Neiliansheng, dans la rue Dashilan rénovée du quartier Qianmen, continue depuis plus d’un siècle à produire et vendre des chaussures de coton entièrement faites à la main. J’y ai rencontré Xu Wenhao, un artisan de haut niveau quoique jeune encore, qui m’a expliqué les diverses étapes de la confection des chaussures. Les semelles sont confectionnées de 16 épaisseurs de coton,cousues avec du chanvre naturel. Les longs filaments de chanvre sont d’abord trempés un certain temps, puis roulés; ainsi ils deviennent très résistants, presque inusables.

Si vous n’avez jamais porté ce genre de chaussures, vous ne pouvez savoir ce qu’est le confort des pieds ! Au cours des ans, les modèles se sont diversifiés et modernisés; les chaussures autrefois exclusivement noires ont vu la couleur apparaitre, ainsi que des décorations fantaisistes de paillettes ou de minuscules perles multicolores, en ce qui concerne les chaussures pour femmes, tandis que que le noir sobre demeure la règle pour les chaussures masculines. On fabrique même des bottes de style mongol, en soie brodée, avec des semelles de coton. Dans ma collection, j’ai aussi une paire de san cun;ces deux mots se traduisent littéralement par« trois pouces » (chinois), ce qui équivaut à 10 cm.

Semelles brodées

Elles sont le plus souvent brodées defleurs,de papillons, ou du caractère «bonheur» (ici«double bonheur») qui apparait sur toutes les décorations de mariage, et qu’on retrouve fréquemment dans l’art du papier découpé.Les semelles peuvent être en laine ou en coton, brodées defil de soie, de coton ou defibres synthétiques. Elles sont non seulement jolies mais aussi utiles. Leur utilisation est commode pour resserrer une chaussure trop large, ou pour augmenter la chaleur des souliers et bottes pendant les mois d’hiver.Aussi, pour les personnes qui marchent beaucoup, elles servent de coussin qui rend la semelle plus souple. Voilà ce qui s’appelle«joindre l’utile à l’agréable».

Sandales de paille

Je voudrais aussi vous présenter des sandales de paille que j’ai rapportées du Zhejiang. Le paysan qui les portait les disait inusables, car quand on marche dans desflaques d’eau ou dans les rizières, la paille est constamment humidifiée et se conserve mieux. En fait, la paire que je possède est desséchée, et des bouts de paille tombent chaque fois que je la manipule. De forme ovale, elles sont retenues par desfils de chanvre.Seul le talon est couvert. En resserrant les cordons autour de la cheville, on fait remonter la pointe antérieure. Le dessus du pied est à découvert. Pour ma part, je n’ai vu que des hommes en chausser, ce qui ne veut pas dire que les femmes n’en portent pas.

Lotus d’or San cun

Dans la Chine impériale du Xesiècle, la beauté des femmes était proportionnelle à la petitesse de leurs pieds.Afin d’empêcher les pieds desfillettes de grandir, on les bandait très serré dès l’âge de 4 ans, au maximum 9 ans, sans quoi l’entreprise était vouée à l’échec: les os et ligaments avaient perdu leur souplesse. Mais bander les pieds ne suffisait pas.Pour arrêter complètement la croissance des pieds, on cassait les os des orteils et repliait ceux-ci sous l’arche avant de serrer le bandage.

À lafin du XIXesiècle,des empereurs tentèrent d’éradiquer cette pratique,mais les femmes se mutilaient elles-mêmes pour augmenter leurs chances d’épouser un homme bien nanti et, par conséquent, de ne pas avoir à travailler. Quelque part dans l’histoire on dit qu’aucun homme respectable n’aurait épousé une femme aux«grands pieds».

Cette coutume barbare dura jusqu’à ce que Mao Zedong l’interdise définitivement,en 1949. Ensuite, les lotus d’or (expression qui désigne et les petits pieds mutilés)et les chaussures qui leur étaient adaptées, entrèrent respectivement dans l’histoire et dans les musées. C’est chez un marchand d’antiquités que je m’en suis procuré une paire afin de compatir au souvenir de cette mutilation horrible.