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Le concept chinois d’un avenir partagé

2023-05-07ParJOSEFGREGORYMAHONEY

今日中国·法文版 2023年5期

Par JOSEF GREGORY MAHONEY

Un jeune garçon joue devant des tentes de secours fournies par la Chine après le tremblement de terre de Gaziantep, en Turquie, le 12 mars 2023.

Fréquemment cité par le président Xi Jinping, le terme chinois 《renlei mingyun gongtongti》, communément traduit par 《communauté de destin pour l’humanité》ou 《communauté d’avenir partagé pour l’humanité》, décrit de manière poétique la vision chinoise d’une communauté mondiale future partagée par tous les peuples. Bien que sa traduction précise reste sujette à discussion et bien qu’il ait évolué sur le plan conceptuel au cours des dernières années, sa signification est aujourd’hui claire.

Le terme a été introduit pour la première fois dans le lexique officiel à l’occasion du XVIIeCongrès du Parti communiste chinois (PCC) en 2007. Au départ, le concept exprimait la conviction du gouvernement chinois quant à la destinée commune de la partie continentale de la Chine et de Taiwan. Toutefois, lors du XVIIIeCongrès du PCC en 2012, la perspective de ce terme a été élargie sous la direction du président Xi. Il a été introduit au préambule de la Constitution chinoise en 2018, ce qui a permis de lui donner un contexte définitif, et le passage dans lequel il apparaît mérite d’être cité:

《Les réalisations obtenues par la Chine dans sa révolution, son développement et sa réforme sont inséparables du soutien des peuples du monde. L’avenir de la Chine est étroitement lié à celui du monde entier. La Chine s’en tient fermement à sa politique étrangère indépendante et aux cinq principes suivants:respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, non-agression mutuelle, non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures, égalité et avantages réciproques, et coexistence pacifique ; elle s’efforce de développer ses relations diplomatiques et ses échanges économiques et culturels avec les autres pays, et elle promeut la construction d’une communauté de destin pour l’humanité. La Chine persévère dans sa lutte contre l’impérialisme, l’hégémonisme et le colonialisme, renforce sa solidarité avec tous les peuples du monde, soutient les nations opprimées et les pays en voie de développement dans leur lutte juste pour conquérir et sauvegarder l’indépendance nationale et pour développer l’économie nationale, et elle œuvre au maintien de la paix mondiale et au progrès de l’humanité.》

Cette idée d’un avenir partagé a gagné en popularité de par son utilisation fréquente par Xi Jinping et la description historiciste d’une 《nouvelle ère》qui nécessite le développement de la diplomatie de grand pays à la chinoise. Les spécialistes ont cité le terme comme une preuve du passage de la Chine d’une politique étrangère centrée sur sa nation à une politique étrangère plus orientée vers le monde.

Réalité

Cette interprétation coïncide avec le mondialisme croissant dans la diplomatie de grand pays sous le mandat de Xi Jinping et est cohérente avec l’émergence de l’initiative 《la Ceinture et la Route》, l’Initiative pour le développement mondial, l’Initiative pour la sécurité mondiale et l’Initiative pour la civilisation mondiale. Elle répond également à l’appel de la Chine en faveur de la pratique d’un véritable multilatéralisme, qui promeut le renforcement et la réforme des organisations internationales afin d’assurer une meilleure gouvernance mondiale pour soutenir la souveraineté, le développement gagnant-gagnant et la paix.

Cependant, le terme peut être compris comme décrivant un fait fondamental:nous vivons déjà et continuerons à vivre dans une société hautement mondialisée, dans laquelle différentes civilisations et une multitude de nations sont interconnectées par le biais de préoccupations communes en matière de sécurité, d’économie, d’environnement et de santé. En ce sens, la réalité du présent et la réalité inévitable de l’avenir se retrouvent dans le terme. Cette réalité est démontrée aujourd’hui par le destin commun associé au changement climatique, à la pandémie de COVID-19 et à la vulnérabilité mondiale aux ralentissements économiques et aux conflits, comme le conflit en Ukraine. À l’avenir, notre destin sera encore plus partagé, que nous le voulions ou non. L’isolationnisme, le découplage, l’hégémonisme ou la politique étrangère à somme nulle n’y changeront rien. En fait, une telle pensée et un tel comportement ne feraient que nous conduire à un destin plus sombre.

Par conséquent, le terme peut être compris comme une reconnaissance non normative d’une réalité qui existe déjà et continuera d’exister. D’une part, cela indique que le terme est simplement factuel et non idéologique. D’autre part, certaines nations résistent à cette réalité, parfois dans leurs idéologies officielles, mais surtout dans leurs politiques réelles. Elles poursuivent des stratégies à somme nulle, voire de Guerre Froide, telles que les guerres commerciales, le découplage, l’endiguement, la constitution de blocs, la prolifération des armes de destruction massive, les guerres par procuration et la confrontation directe. Elles exploitent et répriment les pays en développement et les privent de biens publics vitaux, tels que les vaccins, pour servir leurs intérêts nationaux aux dépens des autres ou exercer des sanctions unilatérales.

La principale contradiction du monde d’aujourd’hui est une lutte entre le développement et l’endiguement du développement, et entre la justice mondiale et la politique de puissance.

Mauvaises interprétations

En conséquence, ces acteurs ont tendance à qualifier le terme chinois d’idéologie. Ils le dépeignent de manière préjudiciable en biaisant sa signification. Pour ce faire, ils nient la réalité actuelle ou tentent d’en susciter la peur. Ils prétendent que la Chine voudrait supplanter les États-Unis en tant qu’hégémon mondial et affirment qu’elle est à l’origine d’une conspiration communiste mondiale. Un narratif mensonger qui est tout à fait risible et qui a pourtant réussi à induire la peur chez ceux susceptibles d’y croire.

Paradoxalement, certains de ces malhonnêtes laissent entendre qu’ils sont champions de la démocratie et qu’ils constituent un rempart contre les régimes 《autoritaires》. Pourtant, ils ne pratiquent pas la démocratie dans les affaires internationales et leur bilan en matière de réalisations démocratiques dans leur propre pays n’égale sans doute pas celui de la Chine.

Le conseiller d’État et ministre des Affaires étrangères chinois Qin Gang a déclaré, à la suite de la récente visite du président chinois en Russie, que la principale contradiction du monde d’aujourd’hui n’était pas la prétendue opposition entre démocratie et autocratie mise en avant par une poignée de pays, mais une lutte entre le développement et l’endiguement du développement, et entre la justice mondiale et la politique de puissance.

Un ophtalmologiste de la 19e mission médicale chinoise déployée au Sénégal examine un patient à l’hôpital pour enfants de Diamniadio, au Sénégal, le 21 mars 2023.

Pourtant, les opposants continuent de nier cette réalité. Ils visent toujours, au nom de la démocratie, une pseudo-démocratie militarisée, un avenir qui favorise une ou quelques nations au détriment de toutes les autres. Non seulement ils s’opposent à un véritable multilatéralisme, mais certains semblent même imaginer un monde dans lequel les différents pays cesseraient d’exister de manière significative. Ils aiment imaginer la dissolution de la Russie, voudraient voir l’effondrement prochain de la Chine, la fin de l’Iran, ou autres fantasmagories. Ils préparent un avenir de guerre dans l’espoir de revigorer et de poursuivre les 300 ans d’hégémonie occidentale.

Pourtant, la Chine, la Russie, l’Iran et d’autres représentent des civilisations qui ont perduré sous une forme ou une autre pendant des millénaires et qui continueront à perdurer et à progresser, que cela plaise ou non. La nouvelle ère post-hégémonique avec un avenir plus universel progressera sous peine de voir l’humanité cesser d’exister. Telle est la réalité et elle est inéluctable.