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La visite de M. Macron en Chine déçoit les atlantistes

2023-05-07ParBRUNOGUIGUE

今日中国·法文版 2023年5期

Par BRUNO GUIGUE

Depuis la reconnaissance de la République populaire de Chine par le général de Gaulle en janvier 1964, les deux pays entretiennent une relation singulière. En effectuant cette visite officielle en Chine du 5 au 7 avril, le président Macron entendait perpétuer cette tradition tout en montrant que la France est un pays souverain capable de discuter d’égal à égal avec la Chine et de mener une politique étrangère indépendante dans cette région cruciale pour l’avenir du monde.

Selon l’agence Xinhua, il a notamment déclaré que 《la véritable amitié signifie compréhension et respect mutuel》, et que 《la France apprécie le soutien constant de la Chine à l’indépendance et à l’unité de la France et de l’Europe》, ajoutant qu’elle est 《prête à travailler avec la Chine pour respecter les intérêts fondamentaux de chacun tels que la souveraineté et l’intégrité territoriale, ouvrir leurs marchés l’un à l’autre et renforcer la coopération technologique et industrielle, ainsi que la coopération dans le domaine de l’intelligence artificielle, afin de s’aider mutuellement à parvenir au développement et à la prospérité》.

Inauguration du Centre international de recherche et d’innovation Danone, à Paris, le 6 février 2023

Cette volonté de coopérer avec la Chine s’est notamment illustrée par la signature de plusieurs gros contrats, notamment dans l’aéronautique, la filière électronucléaire et les énergies renouvelables, où Chinois et Français travaillent ensemble depuis de nombreuses années et sont déterminés à poursuivre cette coopération. Sur ce premier point, il est intéressant de constater que les détracteurs habituels de la Chine dans les médias et les réseaux sociaux diffusés en France ont reproché au président français de chercher à approfondir ce partenariat économique entre les deux pays, alors que la priorité, paraît-il, serait à la lutte contre 《l’ingérence chinoise》ou à 《la défense des droits de l’homme》sur le territoire chinois. M. Macron a néanmoins fait fi de ces récriminations qui constituent à la fois une dénégation des intérêts industriels français et une tentative puérile d’interférence dans les affaires intérieures chinoises.

Un autre sujet sur lequel la rencontre des deux chefs d’État était attendue concernait l’approche diplomatique de la crise ukrainienne. Mais si la presse française en avait fait un sujet majeur, prêtant à M. Macron la volonté de tenter d’infléchir la position chinoise vers une formulation plus conforme aux vœux des Occidentaux, la discussion entre les deux chefs d’État ne semble pas avoir donné pleinement satisfaction à ceux qui prenaient sans doute leurs désirs pour des réalités. Selon Xinhua, M. Xi a indiqué que 《la cause du conflit en cours était complexe et qu’une crise prolongée ne servait les intérêts de personne》. Il a déclaré qu’un cessez-le-feu dès que possible servirait les intérêts de toutes les parties concernées, et qu’un règlement politique était la seule solution correcte.

Des visiteurs à l’exposition immersive 《Les Quatre saisons de Cézanne》au Today Art Museum, à Beijing, le 24 mars 2023

Sans citer les États-Unis, le président chinois a ajouté que 《toutes les parties concernées doivent assumer leurs responsabilités et faire des efforts conjoints pour créer des conditions propices à un règlement politique》. De son côté, M. Macron a souligné que 《la France estime également qu’un règlement politique de la crise ukrainienne doit prendre en compte les préoccupations légitimes de toutes les parties. La France attache une grande importance à l’influence internationale de la Chine et est prête à travailler étroitement avec la Chine pour faciliter un règlement politique rapide de la crise》.

Avec le ton respectueux de ces échanges, on est très loin des 《avertissements》et autres 《injonctions》qui auraient, selon les commentateurs atlantistes, dû être adressées à la Chine pour son refus supposé de 《condamner》l’intervention russe en Ukraine. Mais c’était sans doute oublier que la Chine s’en tient dans cette affaire à une ligne politique qui lui vaut le respect de la plupart des nations. Contrairement à certains pays occidentaux, elle ne livre d’armes à aucun des belligérants, elle condamne fermement la tentation d’utiliser l’arme nucléaire, elle propose un plan de paix cohérent aux parties concernées, et elle réclame instamment un cessez-le-feu destiné à mettre fin aux souffrances des populations civiles, quand d’autres puissances jettent de l’huile sur le feu et poussent l’Ukraine à se sacrifier pour l’OTAN.

De ce point de vue, l’espoir nourri par ses adversaires atlantistes de voir la Chine 《mise en demeure》par le président français de 《choisir son camp》ou de 《sortir de l’ambiguïté》, passablement ridicule, a été douché par la réalité:la Chine est un pays indépendant qui n’a pas l’intention de rompre avec les principes de coexistence pacifique et de souveraineté des nations. Le président français a su en prendre acte et n’a pas insisté davantage, préférant souligner les convergences entre les deux pays sur les modalités de résolution de la crise plutôt que de faire ressortir leurs divergences sur les causes profondes du conflit.

Cette ligne de conduite marque-t-elle un nouvel infléchissement de la diplomatie française vers une indépendance réaffirmée dans la gestion des affaires internationales? La position exprimée par M. Macron dans la presse française à la fin de son séjour peut le laisser espérer. Plaidant pour que 《l’autonomie stratégique》soit 《le combat de l’Europe》, M. Macron a mis en garde dansLes Échoscontre 《une accélération de l’embrasement du duopole》Chine- États-Unis, au risque de ne plus avoir 《le temps ni les moyens de financer》cette 《autonomie stratégique》. 《Nous deviendrons des vassaux alors que nous pouvons être le troisième pôle si nous avons quelques années pour le bâtir》, a-t-il fait valoir. 《Le paradoxe serait qu’au moment où nous mettons en place les éléments d’une véritable autonomie stratégique européenne, nous nous mettions à suivre la politique américaine, par une sorte de réflexe de panique》. Cette prise de distance explicite avec la logique des blocs et la mentalité de Guerre Froide n’intervient pas au hasard. Au moment où les provocations séparatistes, encouragées par Washington, aggravent le climat de tension autour de Taiwan, le président français invite les Européens à la sagesse en leur recommandant implicitement de ne pas se laisser contaminer par les pulsions bellicistes de l’Oncle Sam. Aurait-il fini par assimiler l’héritage diplomatique du général de Gaulle et décidé de renouer avec cette noble tradition d’indépendance nationale? Si tel était le cas, ce serait de bon augure. En tout cas, une chose est sûre:cette visite présidentielle en Chine aura été une amère déception pour les atlantistes.

Lors de la cérémonie de lancement des timbres de l’Année du lapin, le concepteur Chen Jianghong (g.) fait une dédicace pour un philatéliste, à Paris, le 14 janvier 2023.